L’aumône faite aux mendiants: une réponse à la précarité urbaine ou un système reproducteur de la vulnérabilité?

L’aumône faite aux mendiants est une vielle pratique observée dans toutes les sociétés à travers le monde. Cette pratique est également observée dans les rues de la ville de Ouagadougou. Les carrefours des avenues, la devanture des mosquées, des églises, les parking des établissements bancaires et des épiceries, les stations d’essence, etc., sont des lieux privilégiés par les mendiants. L’objectif de cette étude est d’examiner la capacité de l’aumône à relever la personne mendiante. À travers la théorie de l’interactionnisme, une approche qualitative a été adoptée pour observer les interactions entre les différents acteurs qui interviennent dans le circuit de l’aumône. Trois types de matériaux ont été combinés, à savoir, l’entretien approfondi semi-directif, l’observation directe, et les sources documentaires. Le travail de terrain a permis d’échanger avec trente-huit (38) personnes : 17 personnes mendiantes, 7 marabouts/maîtres coraniques, 3 leaders religieux et 11 citadins pris au hasard. Les entretiens réalisés ont été littéralement transcrits et analysés suivant la technique d’analyse de contenu. Les résultats mettent en exergue d’abord les pratiques et représentations socioculturelles de l’aumône faite aux mendiants. Il ressort que l’aumône est perçue à la fois comme une obligation religieuse, une forme de protection sociale, un geste de solidarité rapprochant riches et pauvres à travers la redistribution des richesses. Ensuite, le deuxième résultat souligne le marché de l’aumône qui, comme tout marché, dévoilent les acteurs qui nourrissent le système : les donateurs qui échangent les biens matériels (en espèce ou en nature) contre des biens immatériels (grâces, bénédictions, santé, protection). Derrière le donateur et le mendiant, il y a les leaders religieux, les marabouts et voyants qui encouragent ou prescrivent des sacrifices intégrant l’aumône aux mendiants. Enfin, le troisième résultat relève que l’aumône n’est qu’un cercle vicieux de la misère au regard des revenus de la mendicité qui sont précaires et aléatoires et donc  une activité qui ne pourrait enrichir celui qui s’y emploie.